Pourquoi former à l’usage des technologies d’assistance, c’est former à comprendre l’accessibilité ?
Ou : pourquoi activer un lecteur d’écran 5 minutes ne fait pas de vous un ninja de l’inclusion.
Et là, j’ai lancé un lecteur d’écran…
Je crois que j’ai cassé quelque chose, je ne peux plus écrire.
Lors des formations, des ateliers ou simplement en discutant avec des équipes de développement curieuses et impliquées, il arrive souvent qu’on me dise :
J’ai essayé un lecteur d’écran pour tester l’accessibilité de mon site… Mais euh… Ça parle tout le temps.
Ce n’est pas faux. Mais c’est un peu comme dire qu’un moteur fait du bruit sans jamais avoir appris à conduire. Un lecteur d’écran parle, oui — c’est un peu son job — mais écouter ce qu’il dit, analyser le message et surtout interagir correctement avec lui, c’est une autre paire de manches.
Dans de nombreuses équipes web, l’accessibilité est abordée en testant quelques pages clés ou en lançant brièvement un lecteur d’écran. C’est une étape précieuse, un bon point de départ pour se confronter aux réalités d’un usage différent.
Mais ce type de test, aussi utile soit-il, ne donne qu’un aperçu partiel. Il manque souvent une vue d’ensemble, une compréhension plus fine de l’expérience vécue par les personnes concernées : qui utilise ces outils ? Comment ? Et surtout, est-ce que le service leur est vraiment accessible ?
Et c’est là que former à l’usage des aides techniques devient essentiel.
Comprendre une aide technique, c’est comprendre une manière de naviguer
Les aides techniques sont des manières de penser et de naviguer différentes.
Un lecteur d’écran n’est pas une loupe magique ni un synthétiseur qui lit tout sans distinction. C’est un véritable outil de navigation avec ses propres commandes et stratégies :
- Se déplacer par titres pour repérer la structure,
- Sauter d’un formulaire à un autre,
- Parcourir les liens, les listes, les régions de contenu…
Et ce n’est que le début. Ajoutez à cela les plages braille, les contacteurs, les systèmes de pointage à la tête, ou encore la commande vocale, et vous réalisez que l’accessibilité ne se résume pas à “est-ce que ça marche avec un clavier ?”.
Spoiler : pas forcément.
Former aux aides techniques, c’est révéler les failles des interfaces
Quand on prend le temps d’apprendre à utiliser un lecteur d’écran — vraiment l’utiliser — on réalise à quel point certains sites ou applis, même bien codés, sont contre-intuitifs ou carrément inutilisables avec une aide technique.
Exemple vécu : un menu déroulant qui se referme dès qu’on le touche au clavier.
Et pourtant, sur le papier, tout est “conforme”. Les balises sont là, les attributs aussi. Mais le test réel n’est pas concluant.
Les environnements de test du RGAA
Le Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA) précise bien que les contenus doivent être utilisables avec différentes technologies d’assistance.
Il évoque notamment les lecteurs d’écran Jaws, NVDA, VoiceOver et TalkBack dans les environnements de test pour tester notamment la restitution des scripts présents dans l’interface.
Mais il ne suffit pas de lister ces outils dans le tableau des environnements de tests, il est également essentiel de comprendre comment les gens les utilisent.
Former à l’usage de ces outils, c’est permettre aux équipes web de concevoir et tester avec pragmatisme.
Accessibilité numérique et informatique adaptée
Ces deux univers sont profondément liés, mais trop souvent éloignés :
- L’accessibilité numérique est vue comme un sujet technique (balises, contrastes, tests automatisés),
- L’informatique adaptée est vue comme un sujet social parfois même paramédical.
Mais en réalité, ils sont indissociables.
L’accessibilité numérique doit concevoir pour les technologies d’assistance, et l’apprentissage des usages de l’informatique adaptée doivent nous permettre de toujours concevoir plus accessible
L’accessibilité, ça s’écoute
Apprendre à se repérer et à naviguer avec un lecteur d’écran ou un contacteur, ce n’est pas seulement une étape à cocher dans un plan de formation. C’est une façon de se rapprocher des usages réels, de mieux comprendre les stratégies de navigation, les besoins des utilisateurs et parfois même de découvrir des limites des technologies d’assistance qu’on ne soupçonnait pas.
Ce n’est pas forcément compliqué — mais comme pour beaucoup de choses, ça demande un peu de temps, de curiosité… et surtout l’envie d’explorer un autre point de vue.
Si le sujet vous intéresse, vous pouvez débuter par une initiation aux lecteurs d’écran pour tester l’accessibilité
La prochaine fois qu’on vous dit : “Notre site est accessible, promis !”
Vous pouvez répondre : “Super ! On va pouvoir tester avec un lecteur d’écran ?”
Article publié par
Ingrid LefèbvreSpécialisée dans la prise en compte du handicap, l'aménagement de poste, la formation, la sensibilisation depuis 25 ans.


