Les obligations légales d’accessibilité numérique en France

Ce billet propose une synthèse des obligations légales en matière d’accessibilité numérique en France. Un second billet présentera prochainement les obligations légales au sein des États de l’Union Européenne.

Cet article a été initialement publié le 7 mars 2023 et mis à jour le 17 mars 2023.

Rappel des évolutions réglementaires en 2005, 2018 puis 2023

Depuis la loi du 11 février 2005, et très précisément son article 47, la prise en compte de l’accessibilité numérique est une obligation légale en France. Initialement destiné aux services numériques publics, cet article 47 a été mis à jour au fil du temps :

Les adaptations de mars 2023 sont plus générales, elles sont liées à la transposition de la directive européenne 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences d’accessibilité des produits et services.

Ainsi, l’article 16 de la loi 2023-171 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne a également intégré de nouvelles obligations d’accessibilité pour les entreprises fournissant des produits et services.

Faisons le point sur tout cela.

Quels organismes concernés ?

Les organismes publics

L’article 47 de la loi du 11 février 2005 précise que l’ensemble des personnes morales de droit public sont soumises à des exigence en matière d’accessibilité numérique. Sont par exemples concernés : l’État, les collectivités territoriales (départements, régions, agglomérations…), les établissements publics (hôpitaux, universités, caisses de sécurité sociales…), les groupements d’intérêt public, etc.

Les organismes de droit privé délégataires d’une mission de service public, ainsi que ceux créés pour satisfaire des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial (sociétés privées d’exploitation de lignes de transport en commun par exemple) sont également concernés.

Les entreprises privées dépassant 250 millions d’euros de chiffre d’affaires

L’article 47 de la loi du 11 février 2005 s’applique également depuis 2019 aux entreprises dont le chiffre d’affaires excède 250 millions d’euros (ce seuil a été fixé par l’article 2 du décret n°2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne).

Les entreprises fournissant des produits et services

À travers l’article L412-13 du Code de la consommation, l’obligation d’accessibilité s’applique à tous les produits et services des opérateurs économiques.

Seules les entreprises employant moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas deux millions d’euros sont dispensées de cette exigence.

Quels supports numériques ?

Le cas des organismes publics et très grandes entreprises

Dans le cadre de l’article 47, et donc pour l’ensemble des organismes publics, des entreprises privées délégataires d’une mission de service public et pour les entreprises dépassant 250 millions de chiffres d’affaires, les supports numériques concernés sont nombreux :

L’accessibilité des services de communication au public en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique, quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation, en particulier les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique.

Les obligations d’accessibilité concernent donc à la fois les sites et applications tournés vers l’extérieur (citoyens et citoyennes, clientes et clients, partenaires) mais également les supports numériques internes à destination des collaborateurs et collaboratrices.

Ces obligations sont d’ores-et-déjà en vigueur.

Le cas des entreprises fournissant des produits et services

Pour ces plus récentes obligations, mises en place en mars 2023, un décret doit prochainement fixer la liste des produits et des services soumis au respect des exigences d’accessibilité.

Toutefois, des premiers éléments ont été détaillés en mars 2023 dans différents articles et codes juridiques :

  • L’article 48 de la loi du 11 février 2005 précise les livres numériques et les logiciels permettant leur lecture doivent être rendus accessibles.
  • Le code monétaire et financier a été complété pour exiger une prise en compte de l’accessibilité sur les systèmes d’authentification forte, les services bancaires et de paiement, les services de gestion de la monnaie électronique, etc.
  • Le code des transports précise désormais la nécessite d’accessibilité des terminaux de paiement, d’information, d’enregistrement ou de distributeurs automatiques de titres de transport.
  • Etc.

Ces obligations seront applicables pour les produits et services mis sur le marché après le 28 juin 2025.
Il existe des spécificités pour les produits et services déjà existants avant cette échéance :

  • Pour les produits mis sur le marché avant le 28 juin 2025, possibilité de continuer à fournir des solutions non conformes jusqu’au 28 juin 2030 ;
  • Même chose pour les services conclus avant le 28 juin 2025 qui peuvent se poursuivre sans modification jusqu’au 28 juin 2030 ;
  • Pour les terminaux en libre-service déployés avant le 28 juin 2025, ceux-ci peuvent être conservés sur une durée de vie « économiquement utile » sans toutefois dépasser 15 ans à compter de la date de mise en service.

Le détail est disponible dans le point VIII de l’article 16 de la loi 2023-171.

Quelles obligations ?

Les obligations concernant les produits et services doivent être prochainement précisées par décret.

Celles concernant les organismes publics et entreprises privées dépassant 250 millions de chiffre d’affaires peuvent être résumées en 3 points :

1. Une obligation de conformité

Cette conformité peut s’évaluer à partir :

2. La publication d’une déclaration de conformité et du statut de conformité

Il s’agit ici d’une obligation de transparence qui passe par la publication de déclarations d’accessibilité numérique pour chaque support numérique (site, application mobile, etc.) précisant plusieurs informations comme :

  • l’état de conformité au regard d’un standard d’accessibilité (obtenu à la suite d’un audit)
  • le détail des non-conformités
  • des dispositifs d’assistance et de contacts pour signaler les difficultés d’accessibilité rencontrées

Il est également exigé l’affichage d’une mention « Non conforme », « Partiellement conforme » ou « Totalement conforme » dès la page d’accueil des services numériques concernés.

3. La publication d’un schéma pluriannuel d’accessibilité piloté et suivi par un·e référent·e accessibilité

Afin que les organismes concernés par les obligations d’accessibilité s’engagent dans une démarche d’évaluation et d’amélioration, il est demandé la publication :

L’ensemble doit être suivi et piloté par un référent ou une référente accessibilité numérique.

Quelles sanctions ?

À ce jour, les seules sanctions concernent le périmètre de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 : 20 000€ en cas d’absence de déclaration d’accessibilité (cf. article 8 du décret relatif à l’accessibilité des services de communication au public en ligne).

L’article 16 de la loi 2023-171 autorise toutefois le gouvernement à légiférer par ordonnance pour renforcer les sanctions des manquements aux obligations d’accessibilité numérique.

le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure […] visant à […] renforcer le régime des sanctions.

Quels organismes de contrôle ?

Depuis mars 2023, ont été nommées des autorités compétentes pour rechercher, contrôler et constater les infractions :

  • La DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes). Elle joue un rôle transverse dans le contrôle des exigences d’accessibilité aux produits et services, incluant dans son périmètre le secteur du e-commerce ;
  • Pour les services de communication audiovisuelle, mais également l’ensemble des services publics : l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) ;
  • Pour les services de communication électronique : l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) ;
  • Pour les services bancaires : l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), l’Autorité des marchés financiers (AMF) et la Banque de France (plus spécifiquement pour l’accessibilité des systèmes d’identification, des signatures électroniques et des services de sécurité et de paiement).

À suivre en 2023

Les décrets et les éventuelles ordonnances à venir seront donc déterminants pour :

  • Fixer la liste précise des produits et des services qui seront soumis aux obligations d’accessibilité ;
  • Déterminer comment évaluer la conformité aux exigences ;
  • Déterminer les obligations des organismes qui sont soumis à ces exigences ;
  • Préciser plusieurs informations comme les critères d’évaluation du caractère disproportionné d’une charge par exemple.

Nous suivrons les évolutions au fur-et-à-mesure et tiendrons cette présente page à jour.


La photo « La colonnade » mise en avant sur ce billet provient de la photothèque libre de droits de l’Assemblée Nationale.

2 commentaires

  1. BENARD , le

    Bonjour Sébastien, Merci pour cet article !

    En le lisant, je m’aperçois, que les obligations à venir ne seront fortes qu’à partir de juin 2025 ! Est au mini-mini …
    Bref, beaucoup de belles phrases et pas d’incitations fortes.

    J’avais une question, la déclaration d’accessibilité, pourrait concerner individuellement chaque support de formation ? Ou c’est au niveau du site de formation amont ?

    Merci pour ta réponse

    1. Sébastien Delorme Auteur , le

      Bonjour,

      En effet, nous sommes sur une application minimale de la directive européenne, et a priori, pas d’ambition supplémentaire. Les éventuels décrets et ordonnances vient confirmer (ou non) cela.

      Depuis la loi du 11 février 2005, les organismes publics sont déjà soumis à des obligations. En 2018 cela a été étendu aux entreprises privées dépassant le seuil de 500 millions de chiffre d’affaire. La question est de savoir si les échéances de cette transposition (2025-2030) s’appliquent à tout le monde (on serait donc clairement sur un prolongement de l’échéance) ou seulement aux structures nouvellement concernés (produits et services des entreprises entre 2 millions et 250 millions d’euro de chiffre d’affaires).

      Quant à ta question, la déclaration d’accessibilité doit fournie pour chaque service de communication au public en ligne :

      • Si un support de formation est hébergé/diffusé sur une plateforme pédagogique, alors la déclaration concerne la plateforme. Le support reste bien entendu concerné par l’obligation d’accessibilité.
      • Si un support de formation autonome (un mini-site pédagogique en ligne avec son propre nom de domaine par exemple), alors la déclaration concerne le support de formation.

      Bien à toi,

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